Ce soir, je vous parle depuis un champ, en pleine attente de renards et de chouettes. J’y raconte comment mes sorties photo dans la nature m’ont conduit à créer le projet NightScan : une solution technologique pour détecter la faune nocturne, même sans être sur place. On discute photo animalière, affût, application Merlin ID, renards curieux… et d’une chouette entendue pour la première fois. Un épisode calme et passionné, entre observation et technologie.

Episode 2 – À l’affût des renards et des chouettes : la genèse de NightScan

Toujours en pleine nature

Bienvenue dans ce deuxième épisode de NightScan, le podcast.

Pour tout vous dire, on est toujours le même jour — enfin, la même soirée — que lors de l’enregistrement du premier épisode. Je suis encore en pleine nature. Le soleil vient tout juste de se coucher, il y a à peine deux minutes. Une biche est venue me foncer dessus, puis elle est repartie dans la forêt en me voyant. Elle a dû se demander ce que je faisais là.

Je suis en train d’attendre les renards, qui devraient arriver bientôt. À cette heure, juste après le coucher du soleil, ils ne tardent en général pas trop. Les oiseaux chantent encore, mais de moins en moins. Les rapaces et les mouettes ont déjà quitté le ciel, même s’il en reste quelques-uns encore en vol. Bref, tout va bien. Je suis dans un coin tranquille et sympa.

Pourquoi NightScan ?

La dernière fois, je vous ai parlé un peu d’intelligence artificielle, de comment je l’utilise dans mon travail, et aussi de comment ça aide parfois ma femme avec certains petits soucis de santé.

Aujourd’hui, j’aimerais commencer à vous parler de NightScan, le projet. Pourquoi je l’ai lancé, en quoi il consiste, et ce qui m’a donné envie de le démarrer.

Je fais de la photo depuis longtemps. J’en faisais déjà il y a des années. Ce que je préfère, c’est la photo de nature. Je ne fais pas de portraits, ce n’est pas mon truc. Les paysages ? J’en fais peu non plus, même si je les trouve beaux. Ce que j’ai toujours aimé, c’est l’animalier. Ça me permet d’entrer dans le monde des animaux, de faire de l’affût, d’attendre dans le calme, et d’espérer qu’un animal passe.

Le plaisir d’observer

À travers l’objectif, on voit les animaux avec bien plus de détails qu’à l’œil nu. Bien sûr, avec de bonnes jumelles aussi. Mais j’aime bien garder une trace en photo.

Il y a aussi le côté technique de la photographie que je trouve fascinant : figer un oiseau en vol, gérer la lumière, choisir le bon angle. Je fais ça en pur amateur, mes photos sont loin d’être les meilleures, mais j’adore ça. Il y en a plein qui font mieux, mais moi, ça me pousse à sortir de chez moi — et pour un geek, c’est déjà une victoire.

La photo m’a permis de redécouvrir les environs. La Suisse est un pays magnifique, mais parfois je me dis : pourquoi irais-je me balader dans ce coin perdu ? Et là, je me rends compte qu’il y a des oiseaux à observer. Tout d’un coup, ça devient plus intéressant.

À l’affût du renard

Et justement, ce soir, alors que je vous parle, un renard vient d’arriver. Il est à environ 150 mètres. Je vais vous le décrire, même si on est en audio.

Il est sur une petite butte. En contrebas, il y a un champ non cultivé — juste de l’herbe, sûrement pour les vaches. En face, une petite forêt avec une maison vide. Et un champ où il y a parfois des moutons.

J’ai repéré cet endroit à cinq minutes de vélo de chez moi. Je me suis dit : tiens, c’est peut-être un bon coin pour voir des renards. Et j’ai eu de la chance : j’en ai vu. Je ne suis pas un expert animalier, juste un amateur, mais ce que j’ai appris, c’est que les renards sortent en général une demi-heure avant le coucher du soleil, parfois un peu après.

Dans les coins tranquilles, ils peuvent rester dehors plus longtemps. Mais s’il y a des chiens, des pêcheurs ou des promeneurs, ils reviennent plus tôt.

Voir ou photographier : deux mondes

Observer un renard, c’est plus simple que de le photographier. Pas besoin de lumière parfaite. Avec de bonnes jumelles, on peut voir même après le coucher du soleil. Mais pour une photo réussie, il faut de la lumière. Sinon, pas de couleur, pas de netteté, des temps de pose trop longs, du flou, du bruit…

Mon but était clair : faire une belle photo de renard. Il fallait que je sache où ils passaient, à quelle heure, d’où venait le soleil… pour me placer au bon endroit, avec la lumière dans le dos. Ce soir, par exemple, j’ai une forêt derrière moi, donc je ne projette pas trop d’ombre. Je ne suis même pas camouflé. Un t-shirt normal, des sandales, mon vélo à côté. Mais je reste immobile, et ça suffit parfois.

La première fois que j’ai vu les renards, j’ai simplement fait le tour de la forêt à vélo, vers 20h. J’ai vu des biches, puis trois renards, sans doute une famille. Ils jouaient ensemble. Le lendemain matin, je suis revenu tôt… trop tard, sans doute. Et ce soir, me voilà à nouveau sur place. Ils reviennent.

Laisser venir à soi

Ce qui fonctionne bien, c’est de laisser les animaux venir à vous. Restez calme, immobile, discret. Ils voient que vous ne bougez pas, que vous ne faites pas de bruit, et parfois ils passent à quelques mètres. L’autre jour, j’étais sur mon vélo, visible, et un renard est passé à 15 mètres de moi.

Ce sont des animaux sauvages, mais on est en Suisse, dans un environnement semi-rural. Vous entendez peut-être les cloches des vaches autour de moi. Ici, les renards sont habitués à l’homme, sans être apprivoisés. C’est un bel équilibre.

De la photo au projet NightScan

Une fois ma première photo de renard prise, je me suis dit : et maintenant ?
Et le « maintenant », ce sont les rapaces nocturnes. Hiboux, chouettes. Là, ça devient plus compliqué. Pour tout vous dire, en liberté, je n’en ai jamais vu. J’ai recommencé la photo depuis le début de l’année seulement, donc je ne suis pas pressé. Mais oui, j’aimerais en voir. Et peut-être, un jour, les photographier.

Mais les photographier, c’est un autre niveau : pas de lumière, des sujets en vol, imprévisibles… C’est un défi. Même juste les voir, c’est difficile. Une fois, dans une réserve naturelle à 25 minutes à vélo de chez moi, j’ai utilisé l’application Merlin ID (je vous en reparle plus bas). Et là, j’ai entendu une chouette. Ma première chouette sauvage.

L’écoute, une autre forme d’observation

Je n’étais pas là pour ça, mais j’ai lancé l’app, qui écoute en temps réel et identifie les oiseaux autour de vous. Il y en a plus de 1600 reconnus par l’algorithme. C’est génial quand on débute en ornithologie ou qu’on veut reconnaître ce qu’on entend en balade. Je ne suis pas du genre à écouter des chants d’oiseaux sur l’ordi, mais là, sur le terrain, avec mon téléphone, ça devient vraiment utile.

Et puis parfois, on entend un chant, on se dit « tiens, celui-là je le connais », ou « celui-là, je ne l’ai jamais entendu ». Et Merlin vous donne le nom. Mais entendre un oiseau, ce n’est pas encore le voir. Il y a des oiseaux que j’entends à chaque fois, comme le loriot d’Europe, mais que je n’ai encore jamais réussi à observer. Trop de feuillage, trop haut. Ça viendra.

Une chouette idée

Un jour, alors que j’étais en train d’enregistrer, j’ai entendu au loin un son très clair. Une chouette. C’était magique. Je n’en avais jamais entendu ici. Je sais qu’en Suisse, il y a des endroits avec des grands-ducs, même parfois mentionnés dans la presse. J’ai discuté avec des ornithos plus expérimentés. Ils m’ont expliqué qu’on peut repérer leur présence grâce aux traces : fientes, pelotes de réjection, etc.

Il faut observer, se planquer, espérer. Mais moi, je travaille, j’ai une vie, une femme, je ne peux pas passer mes soirées à attendre dans la forêt sans savoir s’il y a un seul hibou à dix kilomètres à la ronde.

Et c’est là qu’est née l’idée de NightScan.

La technologie comme alliée

Je me suis dit : il y a forcément une solution technologique à ça. Et je ne parle pas d’inventer quelque chose de nouveau — ça existe déjà. Il y a des pièges sonores : des micros qu’on laisse dans la forêt et qui enregistrent automatiquement la nuit.

Ensuite, les enregistrements peuvent être analysés par des algorithmes ou des IA, qui vous indiquent quels oiseaux ont été détectés, et quand. Par exemple : chouette hulotte détectée trois nuits d’affilée, entre 22h et minuit. À partir de là, on sait qu’il y a une chouette dans le coin. On peut y aller.

Et si aucun oiseau n’a été détecté, on peut se dire que soit le micro était mal placé, soit il n’y avait tout simplement pas de chouette. Et ça, c’est une information précieuse.

Une biche pour conclure

Désolé, petite interruption. Une biche vient d’arriver à vingt mètres de moi. Elle me regarde. Peut-être la même que tout à l’heure. Elle a l’air de se demander ce que je fais là. C’est beau. Je me rends compte de la chance que j’ai de vivre à cinq minutes à vélo d’un endroit où on peut voir ça.

Ce n’est pas la savane, bien sûr, mais c’est encore la vraie nature. Et tant qu’il y aura des gens pour la regarder, pour s’émerveiller, je pense qu’il y aura de l’espoir pour la préserver.

La suite au prochain épisode

La prochaine fois, je vous parlerai de BirdNET-Pi, la première solution que j’ai testée, de Merlin ID, et d’autres outils technologiques déjà existants — certains utilisés par des amateurs comme moi, d’autres par des chercheurs pour générer des données et mieux comprendre la faune.

D’ici là, je vous souhaite une bonne soirée. Moi, je vais rentrer tranquillement et laisser les petits animaux vivre leur nuit. À bientôt.