Bonjour et bienvenue sur NightScan. Aujourd’hui, comme promis, on va parler de trois choses différentes mais étroitement liées : le Cornell Lab of Ornithology, BirdNET-Pi et Merlin ID.
On commence par un mot sur le Cornell Lab. Il a été fondé en 1915 par Arthur Augustus Allen, qui a simplement accroché une pancarte « Laboratory of Ornithology » sur la porte de son bureau. Ça peut paraître étrange aujourd’hui, mais à l’époque, on étudiait les oiseaux en laboratoire… morts. Oui, c’était considéré comme une science « de musée », un peu comme les débuts de l’anthropologie, où certains chercheurs restaient chez eux à étudier des artefacts ramenés par d’autres. Puis, un jour, ils se sont dit : « Et si on allait voir les gens sur le terrain ? » Ça a tout changé. Et dans l’ornithologie, c’est pareil : on est passé de l’étude d’oiseaux morts à l’observation d’oiseaux vivants, dans leur habitat naturel.
Les oiseaux sont devenus des modèles scientifiques parfaits. On en trouve partout, ils sont faciles à observer, et on peut mesurer l’impact des activités humaines sur eux de manière assez précise. En 1929, Allen a d’ailleurs réalisé le tout premier enregistrement sonore d’oiseaux sur pellicule cinématographique — un tournant rendu possible par la technologie.
Aujourd’hui, le Cornell Lab est un institut de recherche majeur, avec 12 programmes, 250 employés, et un centre inauguré en 2003. L’une de ses ressources les plus impressionnantes, c’est la Macaulay Library : une base de données qui contient plus de 71 millions de photos et 2,6 millions d’enregistrements sonores couvrant 96 % des espèces d’oiseaux connues dans le monde. C’est une mine d’or pour les scientifiques — et pour des gens comme moi qui utilisent l’IA pour détecter automatiquement les oiseaux.
Passons à BirdNET-Pi. Si vous observez régulièrement les oiseaux, vous en avez peut-être entendu parler. C’est un projet open source développé par le Cornell Lab. L’idée, c’est simple : vous prenez un Raspberry Pi, ce petit micro-ordinateur à une centaine d’euros (voire moins), vous y installez un logiciel gratuit, et vous le placez où vous voulez. Il enregistre les sons et identifie les espèces présentes.
C’est une autre manière de faire de l’observation ornithologique. Jusqu’à présent, on comptait surtout sur des humains — amateurs ou professionnels — qui allaient sur le terrain, notaient les espèces vues ou entendues, et transmettaient ces données via des plateformes comme eBird. Ce sont des données précieuses, mais elles dépendent de la disponibilité, des compétences et de la motivation des gens. Quand il pleut ou qu’il fait froid, on sort moins. Et certaines régions isolées ne sont tout simplement pas visitées.
BirdNET-Pi, lui, enregistre 24h/24. Il n’a pas peur du froid. Il capte tout. Et il envoie les données dans des bases de données consultables. Cela permet de suivre, par exemple, les migrations nocturnes, parfois impossibles à observer à l’œil nu. On peut alors détecter des passages, voir l’impact du climat, ou repérer des espèces absentes.
Mais il y a des limites. Les modèles d’IA ne sont pas infaillibles. Ils donnent des probabilités. Par exemple, « 80 % de chances que ce soit un moineau ». Et quand plusieurs oiseaux chantent en même temps, c’est parfois le chaos. Contrairement à un humain qui peut distinguer plusieurs sons superposés, l’algorithme a du mal.
Cela dit, c’est une technologie hyper prometteuse. Avec un budget modeste, on peut équiper son jardin ou un coin de forêt et obtenir une surveillance continue. L’inconvénient : c’est un peu technique. Il faut gérer l’alimentation (batteries, panneaux solaires), la connectivité (carte SD, modules GSM ou LoRa), bref… c’est du bricolage. Et la documentation en ligne est parfois obsolète ou éparse.
C’est là que Merlin ID change la donne.
Merlin ID est une application gratuite disponible sur iPhone et Android. Contrairement à BirdNET-Pi, ici, le modèle d’IA est intégré à votre téléphone. Il est plus petit, donc il ne reconnaît « que » 1500 espèces (contre 6000 pour BirdNET), mais c’est déjà énorme.
Comment ça marche ? Vous ouvrez l’app, vous cliquez sur « enregistrer », et un spectrogramme s’affiche. Ce sont ces formes visuelles qui représentent les sons. C’est là-dessus que l’IA travaille. Elle compare ce qu’elle voit avec ce qu’elle a appris. Par exemple, une forme en virgule peut correspondre à un certain type de chant. Elle identifie alors l’espèce la plus probable, en tenant compte aussi de votre localisation.
Je ne sais pas exactement si l’app limite ses suggestions aux espèces locales avant ou après l’analyse, mais en tout cas, elle adapte les résultats. Si l’IA pense que c’est un pingouin, elle va probablement se raviser si vous êtes à Aegerten.
Le but du Cornell Lab, avec Merlin ID, c’est de rendre ces outils accessibles, d’améliorer les modèles, et d’élargir le nombre d’espèces détectables. Moi, je développe aussi ma propre IA de détection, en partie inspirée de ces approches, mais avec mes idées, mes contraintes, mes expérimentations. J’aimerais que mon modèle soit complémentaire, voire meilleur dans certains cas.
Un point important aussi : il semble que les enregistrements des utilisateurs soient utilisés pour améliorer les modèles de Merlin. C’est une question ouverte, mais ça soulève des interrogations sur la qualité des données, surtout quand il y a doute sur l’espèce.
D’ailleurs, ça me fait penser à une autre app : iNaturalist. Elle fonctionne de manière similaire, mais avec des images. Vous prenez une photo d’un animal ou d’une plante, l’IA tente d’identifier l’espèce. Et là, les autres utilisateurs peuvent valider ou corriger. Deux validations sont nécessaires pour que l’observation soit considérée comme scientifiquement exploitable.
En résumé : l’IA est aujourd’hui capable de reconnaître des oiseaux en temps réel avec un smartphone. C’est bluffant. Mais ça reste imparfait. Il faut toujours une forme de validation humaine.
Cela dit, Merlin ID est un outil incroyable. Surtout si vous êtes amateur, comme moi. Il vous apprend à reconnaître les chants d’oiseaux en direct, et transforme complètement votre façon de faire de l’ornithologie. Vous n’avez plus besoin de tout voir pour comprendre ce qui vous entoure. Il suffit d’écouter.
Et c’est gratuit.
Dans le prochain épisode, je vous parlerai des datasets. Je sais, ça peut sembler un peu aride, mais je vous expliquerai pourquoi c’est crucial. Et surtout, je vous raconterai ce que j’ai appris moi-même en développant mon propre modèle d’IA.
À très bientôt sur NightScan !